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Le temps long

Au cœur de l'École des Annales, Fernand Braudel, érudit du temps, tisse une fresque d'une époque lointaine dans sa thèse sur La Méditerranée et le Monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, dévoilant ainsi le concept enchanteur du temps long.

Aux côtés de l'histoire traditionnelle, éphémère et agitée, c'est l'histoire évènementielle, jugée par l'école des Annales comme oscillante et nerveuse, et l'histoire cyclique et conjoncturelle, façonnée par des périodes lentes, qui s'effacent devant la majesté de l'histoire quasi immobile. Une histoire qui se love dans les phénomènes d'une longueur extrême, dans l'évolution des paysages, dans l'épopée de l'homme avec son environnement.

En 1958, au cœur d'une controverse passionnée avec Claude Lévi-Strauss, Braudel érige, dans un article intitulé « La Longue Durée », un modèle de la pluralité des temps de l'Histoire : structure, conjoncture, évènement. Dès lors, la longue durée s'élève en toute légitimité.


Le mot "Temps", clair et loyal, se métamorphose lorsqu'il est laissé seul, nu et vulnérable. Il se venge, insinuant qu'il porte plus de sens qu'il ne remplit de fonctions. Jadis un moyen, il se pare désormais de la fin, devenant l'objet d'un désir philosophique exquis. Il se change en énigme, en abîme, en tourment de la pensée. Comment gérer le Temps ? En réalité, non pas le Temps, mais les Temps !

Le temps court, frémissant d'actions, de réactivité, se confond avec les nécessités politiques et sociétales, adossé à un calendrier implacable. Le temps long, lui, se dessine sur un horizon inévitable, garant d'une destinée préétablie. Les temporalités se déploient dans la construction de l'expérience humaine, une symphonie de découvertes et d'apprentissages. Il est impératif de distinguer le temps court du temps long. Courir, s'épuiser, être en retard, c'est pour demain... Puis s'installer, observer, apprendre, déguster, découvrir, aimer. Aimer, c'est le temps long, et même dans l'étreinte, atteindre l'orgasme exige la magie du temps long. On se plonge dans l’amour avec la même passion qu'on éprouve en écriture. Sous l'effet d'un désir insatiable : trouver le bonheur dans un corps et toucher la mélodie dans une seule phrase.

Voyager avec les mots requiert ce temps long, inscrivant l'histoire dans une temporalité détachée de l'immédiateté. C'est pourquoi j'affectionne l'écriture au passé, imprégnée d'une noblesse et d'une sérénité que seul le passé peut offrir. Le passé m'offre la liberté de prendre du recul, de contempler un panorama sur le déroulement des évènements. Un style contemplatif où le rythme danse avec subtilité. Écrire à l'imparfait crée une distance narrative propice à une prose poétique, dense, et descriptive. J'emploie aussi le passé simple, car la combinaison de l'imparfait et du passé simple permet de maîtriser les variations de rythme de la narration, écartant ainsi le spectre du récit plat.

Il m'arrive de narrer une scène au passé simple, une audace délicate et peu commune. Une manière de recréer la proximité entre l'action et le lecteur, propre au présent, mais empreinte d'une nostalgie bien placée. L'imparfait, le passé simple, et les trois temps composés, tels que le passé composé, le plus-que-parfait, et le passé antérieur, deviennent une jonglerie esthétique. Maîtrisée avec élégance, cet exercice d’adresse transcende le présent, offrant une légèreté et une noblesse incomparables.

Le passé est le refuge, la possibilité de s'installer, de quitter son présent, et de s'immerger dans le temps, l'espace et l'histoire. Imaginez-vous, confortablement installé dans une berline tirée par quatre chevaux. Ouvrez le livre et plongez-vous dans l'espace-temps de la lecture. Le voyage lent, le son des sabots, le chant des oiseaux, l'histoire du livre, tout fusionne dans une harmonie où le temps s'étire, offrant une expérience sensorielle et intellectuelle, riche, profonde, et envoûtante.

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